L’être humain vit dans les profondeurs de l’univers.
Ses ancêtres ont travaillé à sortir de la forme close de la terre et se sont élevés de l’horizontalité du poisson à la verticalité de l’homme. Durant ce redressement du tronc d’un angle droit, le bassin et le sacrum ne se sont redressés que de la moitié d’un angle droit à partir de l’horizontale.
La verticalité de l’être humain est unique. Il est seul à pouvoir se tenir debout sur ses deux jambes, la colonne vertébrale perpendiculaire au sol et la hanches étirée, en maintenant cette posture pendant longtemps. Sa verticalité est un équilibre précaire, qu’il s’agit sans cesse de conquérir et de conserver activement : c’est un état d’équilibre entre la chute et la position debout, la gravitation et la musculature, le chair et le monde. En effet, ce n’est pas une posture qui, une fois acquise, se maintient automatiquement : elle réclame une attitude intérieure où se profile l’assurance de garder la tête haute, tout comme le torse et l’âme.
La base de la station debout est le pied, par lequel le monde pénètre à l’intérieur de l’être humain. Toute réalité a son fondement dans une activité vivante, synesthésique des sens qui forment le lien de l’homme aux données matérielles. Sans la vue, il n’y a pas de soleil pour nous, hors le sens tactile pas d’objets, et sans ouïe pas de communication. La plante des pieds, l’oreille et la sensibilité profonde travaillent à intégrer les choses perçues dans l’organisme et les relient grâce à l’intellect et l’émotion dans une impression d’ensemble.

Marqué par son évolution à partir de la terre, par l’histoire de son espèce et sa verticalité, l’homme vit en relation étroite avec la nature. Si nous oublions cela quand nous réfléchissons sur le corps humain, nous le méconnaissons car il n’y a ni données sensibles sans interprétation ni interprétations du monde sans données sensibles. L’homme est en proie à une double fonction à caractère ambivalent : soumis à l’évolution, il est un être de nature; contraint à l’invention de son chemin de vie, il est un être de culture.
Certaines cultures se sont détachées de la position debout, ont inventé les chaises et se sont installées, jusqu’à ce qu’une culture de la posture assise se soit établie en Europe, avant de rayonner à partir de là dans le monde entier. Le mot d’ordre de cette civilisation est d’être assis avant tout, dans tous les lieux, avec tout le monde, à chaque instant. Les hommes de culture occidentale vivent sur les chaises. C’est en cela que consiste leur grand progrès. Comme s’ils avaient conclu un accord secret, ils se rencontrent toujours dans cette même posture étrange, le corps plié à angle droit. L’être assis ne fait pas d’écarts, ne parcourt aucune distance; son territoire est l’espace limité de la chaise; son monde est un monde d’assis, imperceptible à d’autres, immatériel, sans étendue.
Mais comment cette idée est-elle venue à l’homme de s’asseoir sur une chaise et de plier son corps?
En sa qualité d’être de culture, l’homme est un bâtisseur. L’acte de bâtir est d’abord visible sur son corps. Il s’assimile à son groupe et à l’environnement naturel, en acquérant dans cette confrontation des facultés physiques, spirituelles et psychiques. Comme premiers signes apparents au-delà du corps, il fabrique des appareils simples et des outils, jusqu’à proclamer ouvertement sa distance vis-à-vis de la nature au dehors et à la rendre visible dans un grand périmètre : par la construction de la maison.
Des peuples itinérants comme les cueilleurs et les chasseurs ou les nomades se déplacent sans cesse. Ils traversent de vastes espaces et disposent de territoires sans prétendre à leur propriété. Lorsqu’ils se reposent au terme de longs vagabondages, ils campent à même le sol, couchés, accroupis, vautrés. Leur existence est faite de passage et de demeures provisoires, et leur destin celui d’une assimilation permanente. Dans cette vie à pied, leurs voûtes plantaires se durcissent; ainsi, la forme comme la constitution du sol sont expérimentés directement, de telle sorte que toute attitude incorrecte est reconnue et corrigée pas à pas. Dans les conditions du vagabondage, le tronc s’édifie de façon organique sur les pieds, les articulations des genoux et des hanches, en dotant d’un dos vigoureux les voyageurs, qui balancent leur tête librement sur la colonne vertébrale. La vie itinérante exprime de façon immédiate la singularité de l’être humain au sein du règne animal : c’est la marche redressée et la station debout.

Tout change avec la construction de la maison. L’homme commence à se sédentariser. Il domestique les plantes, les animaux et, surtout, se domestique lui-même, freine ses envies de mouvement et transforme son énergie excédentaire en une nouvelle forme d’existence, en réduisant et en spécialisant sa mobilité et son comportement. Dans le même temps, il conçoit une image de l’accomplissement de ce devenir sédentaire : la sédentarité. Dans ce but, la communauté choisit l’un de ses membres, lui confère la dignité de souverain et le contraint à s’installer sur une construction en forme de chaise : le trône. Avec le roi sur le trône, les hommes projettent une image de leur avenir, que l’Europe réalisera des millénaires plus tard.
L’assise sur les chaises n’accomplit pas seulement la sédentarité de l’être humain, mais également son redressement. Le sacrum qui dans l’évolution du redressement du tronc chez les vertébrés décrit une rotation d’un demi-angle droit vers l’arrière, tourne dans l’acte de s’asseoir une nouvelle fois de la même valeur d’angle et se stabilise ainsi dans la verticalité, de telle façon que le mécanisme anatomique de la position assise parachève le redressement des vertébrés.

L’homme doit s’habituer à sa maison, et le roi doit élaborer sa posture sur le trône. Les aptitudes requises pour la chasse et la cueillette deviennent obsolètes et pour s’adapter aux nouvelles activités, il faut que la musculature, les organes et la respiration se transforment. Les longues pérégrinations se trouvent raccourcis, l’énergie excédentaire est cassée et domestiquée dans de petits mouvements. Les forces ainsi libérées sont dirigées vers l’intérieur et utilisées pour la transformation des aptitudes physiques et spirituelles. On acquiert des facultés de planification, qui aideront à comprendre le rapport entre les semences, les saisons et les récoltes, – rapport que seul l’esprit est capable de saisir.
Ce que l’être humain vit à la maison, le roi le vit de façon amplifiée sur le trône. La base structurelle de son trône est une pierre sur laquelle des hommes sont sacrifiés aux dieux. Lorsque certaines tribus se mettent à sacrifier un animal à la place de l’être humain, la pierre sacrificielle se sépare en deux éléments, l’autel et le trône. Dès lors, l’animal est sacrifié sur l’autel, et un membre de la tribu est proclamé roi et forcé de s’asseoir sur un trône. La victime du sacrifice, qui s’est maintenue dans ce changement, se retrouve dans l’immobilité du corps royal et dans la coutume de le torturer à l’avant-veille de son intronisation. Le roi est un être sacré qui trône sur un siège sacré dans un lieu sacré : intouchable, sublime, seul. Son physique est intégré du dehors, afin qu’il érige un royaume immatériel à l’intérieur de lui, en se concentrant sur les opérations de la pensée, sur les émotions, les fonctions corporelles et organiques, sur les imaginations. Il devient la mémoire de la tribu et s’amplifie comme le médium qui est en relation avec les dieux. Il est le médiateur entre les hommes et le Cosmos, entre le profane et le sacré. Le roi ressemble à une étoile tombée sur terre, dont l’être humain se sert pour s’orienter.
S’il veut se plonger dans la profondeur du monde, l’homme a besoin de spiritualité : d’une attitude de l’âme et de l’esprit qui autorise la saisie rationnelle et émotionnelle de l’être, lié en retour à la sensibilité et à l’esprit, aux émotions et à la connaissance de l’origine universelle de l’être humain.
La tâche historique du roi consiste à créer un ordre en lui, que les générations futures prendront pour modèle. Il fournit à ses sujets un centre spirituel et une image à leur vision. Partant du fond de l’être, il dirige la vie en commun et lui donne un lieu dans le Cosmos, du sens et des repères existentiels.
Jésus-Christ est un roi d’un genre inhabituel. Et pourtant il incarne le principe de la royauté. Il ne dispose pas de territoires et de richesses matérielles : il gouverne des royaumes immatériels, spirituels. On reconnait l’ordre du roi dans sa mort : dans le sacrifice pour d’autres. Son trône est la croix. Avec sa mort sur la croix, le Christ doit assumer les péchés de l’humanité. L’appel à le suivre généralise le trône et signifie que chacun doit supporter le trône, et donc la croix. En même temps, le Christ est le médiateur entre le roi séculier, trônant, et les citoyens à venir qui, depuis les temps modernes, s’assoient sur des chaises, établissant un mode de vie ascétique, moral, obéissant et abstrait.
Dans le cadre du christianisme, on installe, à la suite des rois, les évêques et les papes sur le trône. Puis viennent les prêtres. Depuis le neuvième siècle, on assoit des moines sur des sièges bénis. Avec sa règle monastique, Benoît de Nursie a inspiré au septième siècle l’invention d’un mécanisme qui débouche sur la stalle, où les moines peuvent, dans un espace restreint, s’asseoir, être debout, s’agenouiller et adopter des positions intermédiaires. Ce séjour privilégié des moines soumet le corps et l’esprit à une ascèse qui suit le rythme des attitudes corporelles changeantes, de la lecture et du chant concentrés, où le contrôle du souffle forme le mécanisme pour la spiritualisation. Avec le développement de la posture assise et l’élaboration de la stalle, la communauté monastique chrétienne est la première communauté d’assis à briser le privilège du siège, réservé jusqu’alors aux rois. Les monastères chrétiens ont étendu l’occupation du trône par un seul, – roi, prêtre, évêque, – à un grand nombre, – les moines, – et préparé la posture assise pour le vie quotidienne du bourgeois.
La transition entre les sièges sacrés, – trône, siège épiscopal, stalle, – et la chaise du bourgeois est figurée par la chaise profane, sous la forme d’un siège choral sans ornements. Ce premier siège non sacré de l’Occident est né dans l’espace sacré de l’Église au quatorzième siècle. Dans les églises, ces chaises profanes ont été placées près du mur à l’intention des préposés aux guildes, patronages et compagnonnages, à une époque où les pré-posés sont devenus des pré-sidents. Au temps de la Réforme, les chaises profanes et chorales sortent en force des églises pour intégrer, sous une forme modifiée et comme objets de prestige, les maisons de la bourgeoisie aisée, ou sous forme de bancs les églises des communautés protestantes et encore comme chaises de travail les comptoirs des négociants.

La posture assise sur les chaises est une invention de l’Europe. Au quinzième siècle, les bourgeois reprennent le geste de pouvoir des rois et démocratisent le trône avec le siège. L’invention ne réside donc pas dans l’attitude elle-même, mais dans la circonstance que ni le siège ni celui qui s’y assoit ni le lieu ne sont plus sacrés. La fonction d’être assis s’exprime dans le mot générique ‘sedere’ qui, à côté de la position immobile de l’assis, signifie également l’apaisement et désigne tout ce qui est tranquillisé et diminué comme la résidence, le sédiment, le siège, le sédatif, l’assiette ou l’assise. La chaise est un sédatif qui contribue pour une part essentielle aux modes occidentaux de pensée, de ressenti et de comportement.
L’assise sur les chaises donne aux hommes une nouvelle identité de citoyen. De nouvelles activités correspondent à l’artifice de cette attitude : l’être humain se fait marchand à grande échelle et scientifique, artisan, négociant en gros et ingénieur. Avec les métiers commence la carrière des métiers assis. La planification d’entreprises à long terme, le contrôle des bilans, la rétention des gains, la concentration sur le travail scientifique et la gestion d’un comptoir sont liés à la posture assise. Les couches inférieures de la société conquièrent de plus en plus le droit d’être assis, jusqu’à ce que le privilège du siège tombe avec la Révolution Française. La posture assise s’établit et sédentarise définitivement l’Europe à la fin du dix-neuvième siècle. La chaise de café viennoise est le premier siège qui puisse être fabriqué en masse. Parti d’Europe, il entamera son parcours triomphal autour du globe, faisant de la chaise le trône des masses et le messager d’un nouveau type d’homme : l’homo sedens.

Du point de vue anatomique, la posture assise forme un pliage du corps à double angle droit dans la hanche et dans les genoux et autorise le transfert direct du poids du tronc par le bassin sur le support. Le changement de la station debout en posture assise réalise le passage d’une existence à pied vers une existence sur le séant. Dans ce changement, les muscles des jambes et du fessier se tendent et tournent le bassin d’environ quarante-cinq degrés vers l’arrière. Ce mouvement de rotation entraîne le sacrum qui bascule à la verticale. La tension musculaire déclenche un mécanisme propre à la posture assise.
Etre assis n’est ni confortable ni naturel ni même un repos pour les jambes. Le corps s’y trouve dans une constitution éloignée de sa physiologie, équivalente à un travail pénible. En raison du mécanisme de la posture assise, la chaise entame profondément le corps assis : la fonction de la musculature est peu à peu réduite, jusqu’à ce que la mobilité atteigne un seuil minimal et que les muscles se dessèchent, en perdant leur élasticité et en se trouvant soumis à un durcissement chronique. La respiration est privée de son rythme et diminuée de plusieurs façons, – comme par l’entrave du diaphragme, muscle de l’inspiration, – jusqu’à se trouver dans l’incapacité d’alimenter le corps lors d’activités importantes En même temps, ces deux facteurs agissent l’un sur l’autre : la respiration réduite raidit la musculature et la musculature raidie limite l’activité respiratoire. Ainsi, la respiration et la musculature entrent dans un cycle de rigidification musculaire et de réduction respiratoire, jusqu’à ce que l’état se stabilise à un niveau d’énergie plus bas et dans une mobilité corporelle restreinte : c’est l’état de sédation qui se pose alors comme une ombre sur l’organisme. L’être assis est vaincu par ce cycle jusqu’à développer une aversion contre le mouvement. De tels états favorisent les besoins de contrôler les émotions, ce qui consomme beaucoup d’énergie. Dans toute activité, le modèle de la respiration et de la musculature, – le modèle assis, – se conserve comme une constitution de base, qui fait de l’être humain un corps assis. Voilà pourquoi cette formule de Fernando Pessoa est pertinente: “Je traverse la rue comme un assis.”
Dans les conditions de la position immobile du corps et d’un niveau réduit d’énergie, ce sont les facultés spirituelles du classement, du contrôle, du planning qui prennent de l’ampleur. Mais l’architecture de la chaise doit soutenir l’architecture affaiblie de la personne qui y est assise : une telle posture constitue une tentative de désincarnation, où la chaise donne au corps restant un aspect rigide.
La chaise est le plus petit espace stratégique possible que l’être humain puisse occuper. C’est un lieu d’extrême immobilité. C’est une construction et un outil qui lie le citoyen à un endroit, qui bannit sa mobilité et qui le dote de particularités physiques et psychiques, requises par l’existence dans une société bourgeoise : le mode de vie rationnel. L’attitude du corps se voit flanquée d’une philosophie qui oriente la pensée, l’action et l’image de soi sur l’immobilité réclamée par la chaise et qui les inscrit dans des suites logiques et ciblées. La logique du corps assis se fonde sur la rétention et l’inhibition de fonctions vitales, qui imposent une structure identique au travail, au corps et à l’esprit.
L’Europe a acquis ses richesses matérielles par l’assise sur les chaises; et par la chaise, elle s’est hissée au rang de puissance mondiale. Elle a recomposé la pierre archaïque du sacrifice, en réunissant la chaise et la table pour former une unité de travail efficace. Le bourgeois ne se déplace plus pour cultiver des champs, chasser des animaux ou rentrer une récolte. À peine mobile, il est assis à sa table, dont la surface est mesurée au plus juste, qu’il peut atteindre et ordonner avec ses mains à partir de son siège. Cette surface constitue son champ, tel un reflet du sol réel. C’est le lieu où il lance sa semence, où il récolte les fruits de son travail, où il bâtit ses villages, ses villes et le monde de la technique.
Très vite, l’enfant bourgeois doit être assis à la table, car il ne naît pas ‘homo sedens’ : sa formation d’être de chaise requiert des efforts et se heurte à des résistances intérieures. Il doit pouvoir grandir de façon organique dans l’étroitesse de la chaise, si celle-ci doit affermir le corps de l’enfant en croissance dans la posture assise. La chaise a des effets qui favorisent et inhibent, qui ordonnent et normalisent, introduisant ainsi l’enfant à la vie en société assise. L’attitude du corps (à savoir : être assis) et les activités (lire et écrire) limitent la vitalité enfantine. L’écriture sur un tableau ou du papier à même la table exige une grande maîtrise du corps et un maximum de discipline. L’enfant écrit ou trace lettre après lettre, place une ligne sous l’autre et progresse de manière linéaire sur le support. Assis comme immobile, il se déplace dans le médium de l’écriture et de la lecture, dans la forme de perception et de pensée qui s’installe alors. Le mouvement du corps se trouve fragmenté, et la privation que subit le désir de mouvement du corps s’amplifie dans un désir de mobilité spirituelle jusqu’à ce que l’enfant contrôle et masque de lui-même tous les domaines de stimulation, qui troublent son processus d’apprentissage, afin de se concentrer intérieurement sur la poursuite de pensées et de mener à bien des opérations logiques dans une matière abstraite.

On peut comprendre la fonction d’être assis, si l’on considère l’évolution de la vie à partir de l’eau jusqu’au devenir humain en accéléré : nager, ramper et se redresser progressivement, surmonter la lourdeur de la tête, la masse du corps, étirer hanche et genoux jusqu’à se tenir debout. Quand, ensuite, l’homme debout s’assoit sur une chaise, le bassin pivote de quarante-cinq degrés vers l’arrière et amène le sacrum dans une position verticale. Si le redressement des vertébrés se mesurait au sacrum et non au tronc, il devrait être considéré comme la conséquence de la rotation du sacrum et l’assise sur les chaises serait alors le prolongement du redressement et donc la poursuite de l’évolution par des moyens culturels. En raison du mécanisme de la posture assise et de l’artifice de cette attitude, l’homme prend ses distances vis-à-vis de la nature comme de lui-même et perd l’échelle de valorisation apportée par les sens. L’être humain aurait-il ôté les bras du sol et levé la tête, étiré la hanche et rentré les genoux, pour enfin marcher debout sur la terre après des millions d’années, dans le but d’asseoir en un siècle la moitié de l’humanité sur des chaises et de la faire passer du stade de l’homo erectus à celui d’homo sedens?
La perte de spiritualité suit de ce que l’individu bourgeois se coupe du Cosmos avec sa chaise. L’individu, c’est l’indivisible, le détaché, celui qui se suffit à lui-même. Il a désenchanté le trône sans pouvoir lui trouver un équivalent. Le trône, celui qui trône, l’emplacement du trône sont des lieux inhabituels, forts, sacrés; la chaise, les assis et l’endroit où l’on s’assoit ne sont pas placés dans un contexte sacré et porteur de sens. Le roi trône dans un lieu défini par la communauté et lui assigne un place dans le Cosmos. Avec l’accomplissement de la sédentarité, les bourgeois ont, quant à eux, trouvé leur lieu individuel dans la chaise, mais perdu leur place dans l’univers. Jadis, le trône a fondé une vie commune d’ordre politique ou religieux, en donnant à l’être humain un centre de socialité, politique, sacré. Avec la chaise, l’individu bourgeois se dote d’un lieu personnel, libre et isolé, mais perd dans cette singularisation le sentiment pour l’universalité de son existence. Sa responsabilité pour la communauté de tous les humains et pour l’univers entier devient une affaire personnelle et contingente.